Enjeux majeurs

CDSE : « Les entreprises face aux désordres mondiaux ».


David Commarmond


Le 1er décembre, était organisé dans les locaux de l'OCDE le 5ème colloque annuel du CDSE : qui avait pour thème « Les entreprises face aux désordres mondiaux ».



Devant une salle comble, Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez a ouvert le colloque en rappelant que le développement commercial d’une entreprise ne pouvait se faire sans une stratégie et un niveau de protection adéquat. Confiant dans l'avenir de son entreprise, il rappela que le groupe actuel était né de précédentes crises.  Mais que « l’énergie et l’eau sont des secteurs d’activités clés dont la société continuera de dépendre pour encore 50 ou 100 ans.

Si l'entreprise est protégée par son secteur,  Gérard Mestrallet a rappelé que le risque n'était pas toujours là où on l'attendait. » et que pour assurer son développement il devait investir et trouver de nouveaux axes porteurs comme la valorisation et le traitement des déchets en Europe ou à l' étranger.

Les intervenants sont revenus sur une année 2011 secouée par les crises : printemps arabe, Fukushima, affaire Renault, crise financière…


« les révolutions ne se prévoient pas »

Dans ce contexte incertain, Pascal Boniface, Directeur de l’IRIS, rappelle que « les révolutions ne se prévoient pas »  en faisant référence au printemps arabe . Et qu'y voir un développement de la démocratie est encore prématuré.  Si nous manquons souvent de recul, les médias ont  souvent tendance à exagérer les risques et utiliser les peurs. Nous devons aller avant tout vers l'acceptation du risque.   
Jean-Pierre Vuillerme, de l’ADIT, estime que « la maîtrise globale des risques exige une approche pluridisciplinaire « afin d’avoir le regard le plus large possible » et «se convertir à la globalité des risques ».
Serge Mostura, Directeur de Centre de Crise du Quai d’Orsay, y voit plutôt le meilleur moyen d’anticiper les désordres à venir. « L’anticipation ce n’est pas lire l’avenir mais se prémunir contre ce qu’il peut advenir ».
Jean-Michel Chéreau, Directeur de la protection d’Areva, juge qu'anticiper c’est réfléchir ». Et qu'en Afrique, l'arc des conflits tend à s'étendre et les méthodes à se diffuser., le marché des otages dans le domaine se porte plutôt bien. Au Niger, la situation reste très tendue malgré l'accalmie apparente et par conséquent  nécessite une  remise en cause des entreprises ».
Edwige Bonnevie (CEA) précise que le CEA a évalué les réactions des opinions publiques. On constate une grande évolution entre Tchernobyl et Fukushima. Il y a maintenant une demande énorme d'information et un fort besoin de compréhension bien relayés par les médias. Il faut expliquer ce qui s'est réellement passé et quel est l’enchaînement des phénomènes.

Pierre-Alain Schieb, responsable des projets futurs à l’OCDE rappelle que sur 2000 ans d’histoire, quelques signes avant-coureurs préviennent de l’imminence d’une crise sociale, tel que « le manque de cohésion des élites, une production d'élites et de hauts potentiels non associés au développement économique, comme ce fut le cas en Tunisie et en Egypte ».
Christian Lechervy, Directeur adjoint de la Direction de la Prospective au Quai d’Orsay, précise plusieurs conditions à toute démarche prospective : « la structure prospective doit être collective. Elle doit être en lien avec les autres directions sans quoi elle ne sert à rien et ne décide pas de la stratégie à conduire. Toute structure prospective doit également garder une grande liberté d’autocritique afin d’éviter d’alimenter ses propres certitudes ».

J-H Lorenzi, Président du Cercle des Economistes, commente l'actualité récente et avertit à propos de la situation actuelle : « nous sommes dans la situation de Franklin Roosevelt en 1937 : il pense que la crise est terminée et veut réduire les déficits.  Analyse qui amorçat le conflit de 1940. Pour lui : « Nous sommes tous en train de créer notre problème en réduisant nos déficits aujourd’hui ».

Cette année de désordres mondiaux fut également l’occasion de raffermir les liens entre l’Etat et les entreprises.

Emile Perez, Directeur de la Coopération Internationale au ministère de l’Intérieur, plaide pour « une relation transparente et cohérente entre la DCI et les entreprises depuis 2008 ». Le désordre crée la crise. Il faut sortir de la culture de la réactivité. La DCI intervient dans plus de 150 pays et joue un rôle d’échange d’informations avec les entreprises privées.  La nouveauté est le partage d'information entre les services d'un même pays et plus encore avec les pays étrangers, ce qui n'est pas sans poser de problèmes, problèmes de souveraineté et problèmes juridiques.

Serge Mostura confirme que la Cellule de Crise du Quai d’Orsay a été particulièrement sollicitée par les entreprises en 2011, pourrait on y voir un embryon de collaboration  étroite. « En Libye, nous avons bâti une fiche conseil sur mesure à destination des voyageurs en entreprises, ce que nous ne faisons pas normalement ». Serge Mostura rappelle que 2011 fut l’année de la « responsabilité de protéger » en Libye ou en Côte d’Ivoire notamment. Par conséquent, « nous avons dû procéder à de nombreuses opérations d’évacuation et de rapatriement, dans des conditions matériels et budgétaires difficiles  ajoute-t-il. Un soutien de poids pour les entreprises concernées.

Enfin, au lendemain de l’affaire Renault, l’espionnage industriel a été au cœur des débats, et notamment la question de son décèlement précoce. Le dialogue, la communication et la transparence ont été promus par Guillaume Capois, Directeur sûreté d’EADS. Un constat partagé par Emile Perez : « La transparence ne perturbe pas l’image de l’entreprise, elle évite surtout les interprétations erronées ».

Livre blanc sur la sureté d'entreprise, un document de référence

Selon Alain Juillet, Président du CDSE, l’absence de dialogue a été à l’origine de l’affaire Renault : « l’équipe de sûreté travaillait seule sans rendre compte à un supérieur, sans aucun contrôle ». Si l’ensemble des intervenants ont déploré le manque d’outils légaux à disposition des entreprises, Maître Bertrand Warusfel a tenu à rappeler que « le droit court toujours après la vie et qu’il exprime un équilibre entre différents groupes d’intérêts ».

Eric Besson, qui devait conclure la journée fut remplacé par Olivier Buquen, Délégué Interministériel à l’Intelligence Economique, a salué la publication par le CDSE du premier Livre Blanc sur la sûreté d’entreprise. «s’impose déjà comme un document de référence». Alain Juillet, Président du CDSE, considère nécessaire « afin que la fonction sûreté soit mieux connue et que son périmètre de compétences soit clairement identifié.

Olivier Buquen a insisté sur l’avenir du texte sur le secret des affaires devant inaugurer le « Confidentiel entreprise ». « Cette nouvelle disposition sera un réel progrès par rapport à ce qui existe aujourd’hui(…). Le texte a fait l’objet d’une proposition de loi censée être étudié au Parlement début 2012. Mais le Conseil d’Etat nous a rappelé que la voie est étroite et a donné des consignes très strictes pour veiller à la constitutionnalité de ce texte ».